Le Laos vu du Mékong
2 semaines et 650 km en kayak sur la mère de tous les fleuves, de Luang Prabang à Paksan.
Les paysages entre Luang Prabang et Vientiane valent vraiment les détours que le fleuve n'a pas manqué de nous faire opérer. Il y a de nombreux rapides et de gros tourbillons. Nous sommes passés plusieurs fois à deux doigts du chavirage. Nous avons passé certains rapides à la corde (ce qui nous a permis de faire connaissance avec le cobra royal).
La partie jusqu'à la frontière avec la Thaïlande est très sauvage. Les berges sont couvertes d'une puissante végétation. Heureusement pour nous, les habitants ont la bonne idée de laisser paître les buffles au bord de l'eau. Sans eux, nous aurions dû dénicher nos bivouacs au milieu des herbes hautes.
De temps à autre, un petit hameau, un temple ou une cabane sur piloti, poussait vers nous les rumeurs exotiques de musiques inconnues, les cris d'enfants cherchant à nous rattraper ou le beuglement d'un veau chassant une chèvre (si si). Nous avons croisé des groupes de femmes avec leur battée, de nombreux pêcheurs au filet, à la ligne ou à l'épervier. Nous avons espéré voir frémir les poissons dans les filets remontés à nos côtés dans le silence monacal d'une portion large du fleuve ; perdus dans les brumes matinales.
Nous avons contemplé le travail éreintant des éléphants sous la chaleur écrasante d'un midi sans vent et celui de tous les hommes et femmes qui remuent le limon fertile sous leur chapeau pointu pour en tirer leur subsistance. Nous avons accroché les regards et récolté une montagne de sourires. Notre kayak a été la star du fleuve: les habitants savaient parfois d'où nous venions et où nous allions avant de nous avoir croisés. Un paysan nous a donné des sortes de gros radis doux avec un sourire qui nous a autant rassuré que sa démonstration pour peler le légume.
Nous avons siroté quelques beerlao dans nos hamacs face à des couchers de soleil sans fin,passé une veillée de noël magique et un réveillon un peu moins calme.
Nous avons eu notre lot de petites galères: un contrôle d'identité par des genres de mercenaires avec des maillots de football (je me méfiais déjà des footballeurs) en plein milieu du fleuve, une succession de rapides pas très faciles à lire, un contournement en escalade sur des rochers où dorment des serpents peu recommandables, un beau scorpion dans le chapeau de Flo, deux heures et demi pour trouver deux arbres où tendre nos hamacs ( les critères sont de moins en moins stricts avec l'approche de la nuit).
LAOS
Nous avons monté le kayak à Luang Prabang (nous sommes venus de l'aéroport en tuk tuk) sous le regard des curieux et avec l'aide forcée des pêcheurs. Ils allaient chercher leurs amis pour leur montrer le gouvernail (qui a eu beaucoup de succès tout au long du Mékong puis au Cambodge et en Thaïlande).
Il nous est arrivé de laisser le kayak à l'eau pendant la nuit comme le font les locaux avec leur pirogue. Nous l'attachions alors à l'avant et à l'arrière et je passais des tiges dans la ligne de vie que j'enfonçais dans la boue.
Nous avons franchi un barrage en construction à bord d'une remorque tirée par un tracteur et pressés de repartir par des « gardiens » cagoulés de l'ouvrage controversé.
Une nuit, nous avons été tirés de notre sommeil par deux personnes qu'on pensait être des chasseurs mais qui se sont révélés être des policiers. Nous avons dû démonter notre bivouac à 04h00 du matin et reprendre le kayak sous le regard bienveillant de notre amie la grande ourse pour gagner le poste frontière le plus proche et y vivre une garde à vue très cordiale. Vers 12h00, nous avons enfin compris que nous étions retenus car nous avions commis la faute de naviguer sur le Mekong sans autorisation spéciale "du big boss". Après avoir grassement remercié les autorités comme c'est l'usage, nous avons hésité au moins une seconde entre: rester au Laos et voir notre kayak saisi par la police, ou passer la frontière.
Les derniers jours nous avaient déjà fait soupçonner qu'ils étaient un peu chatouilleux de la frontière, mais pas à ce point.On était un peu déçu de devoir abandonner la partie laotienne du Mékong après Paksan car elle promettait de beaux bivouacs; mais c'est ça l'aventure non (du latin adventura "ce qui doit arriver")? Nous n'avons pas pris le risque de naviguer sur la frontière côté thaïlandais car le Mekong nous aurait obligé à certains endroits à frôler les berges du Laos et la photo de nos passeports a été envoyée à tous les postes frontière.
Du coup, nous nous sommes retrouvés dans un hôtel en Thaïlande dans une ville dont nous ne connaissions pas le nom et d'où nous avons pris un bus ou un autre engin qui fait du bruit et qui pollue pour rejoindre le Cambodge et chevaucher les eaux maintenant familières de notre cher Mékong.
Nous avons espéré voir frémir les poissons dans les filets remontés à nos côtés dans le silence monacal d'une portion large du fleuve ; perdus dans les brumes matinales.
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Décembre 2016